Une rencontre avec le photographe Behzod Boltaev – À la découverte de la Bukhara Photo Gallery, une galerie de photographies située à Boukhara
- APPO
- 24 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 mai

Un premier aperçu de Boukhara : des rêves plein la tête, des ruelles pavées, et des photographies
Parti de Khiva, un long voyage en train me conduisit dans une cité tout droit sortie d’un rêve oriental. Lorsque je me réveillai à l’aube le lendemain dans mon hôtel, Boukhara – la ville des Mille et Une Nuits – dépliait devant moi tout un éventail de flâneries. J’en ignorais encore tout. Or, ce jour-là, je découvrirais non seulement les légendes multiséculaires attachées à ce lieu, mais aussi l’un de ses gardiens les plus zélés : le photographe Behzod Boltaev.

C’est un petit matin d’Ouzbékistan frais et tonique – l’un de ces matins qui vous invite à vous laisser aller à votre imagination, tout comme j’étais accoutumé à le faire lorsque, enfant, je m’absorbais dans les récits des aventures d’Arabesque tirés des albums illustrés de la collection « Arlo ». Après avoir rapidement avalé mon petit déjeuner, je sors. À chaque pas, il me semble qu’imaginaire et réalité peu à peu se confondent. Après avoir descendu la rue Bahâ’uddin Shâh Naqshband – du nom du maître qui fonda l’ordre soufi Naqshbandiyya, réputé pour ses dons de thaumaturge – je traverse la place de Lyabi Hauz, entourée de madrasas et de sites sacrés.
Ce n’est pas le moment de suivre un itinéraire précis, mais plutôt de marquer une pause, afin d’absorber l’énergie qui irradie de cette antique cité soufie quasi intacte. Une pensée me traverse : comme si je m’étais coulé dans la peau d’un derviche originaire de cette ville qui aurait voulu que s’arrête le temps, en attendant le retour du thaumaturge. Sans parvenir à m’arracher à cette idée, je m’assois dans une rue à proximité

pour regarder passer les gens, quand soudain j’aperçois un homme à bicyclette – une bicyclette russe de toute évidence – vêtu de sombre et arborant un couvre-chef noir typique (un doppi). Je m’interroge : Quelle langue parle-t-il ? Que sait-il de sa propre histoire ? Que pense-t-il de la modernité ? des étrangers ? Bien que je me sois toujours plutôt considéré comme un habitant du monde, je dois admettre que je viens juste de commencer à découvrir l'Ouzbékistan. Je me mets à réfléchir à la raison pour laquelle j’en sais si peu sur ce pays. De toute évidence, la période soviétique a occulté une grande partie de son passé, et en général on en sait très peu sur lui – si peu, en fait, qu’on ne l’associe jamais aux contes des Mille et Une Nuits.
J’avise au loin un grand panneau sur lequel est écrit « Bukhara Photo Gallery ». Il s’agit, en fait, de l’une des étapes du circuit que j’avais préparé ; je décide donc de respecter l’itinéraire que j’avais prévu. Le panneau mentionne les noms des quatre photographes qui ont fondé la galerie et dont les œuvres constituent une partie de l’exposition permanente ; il affiche aussi les portraits de deux habitants de Boukhara en habit traditionnel, ainsi que des scènes de la vie quotidienne ouzbèke. Je n’hésite pas un instant : ce sera la première étape de ma visite. Comment mieux plonger dans l’histoire et les traditions locales avant de

commencer à faire le tour du pays ?
La galerie est située dans un caravansérail du xixe siècle – un joyau architectural d’une sobriété frappante. Lorsque j’y entre, je remarque tout au fond une petite porte en bois peint magnifiquement colorée, sculptée à la mode traditionnelle dans un style qui contraste avec le reste de la construction. À côté, une bicyclette est rangée. Une autre bicyclette déjà guide le cours de mes pensées lors de cette flânerie matinale. Tout signale la présence de quelque chose ou de quelqu’un d’extraordinaire à l’intérieur du caravansérail.

L’entrée est bordée de prix délicatement encadrés, accompagnés d’éloges en français, en anglais, en russe, en ouzbek, et sans doute dans d’autres langues. L’un deux arbore le sigle Unesco. Au fond, une extraordinaire collection de photographies. Il est évident que c’est un endroit à ne pas manquer, un endroit où je pourrai vraiment en apprendre davantage sur la culture et l’histoire de Boukhara.
C’est ainsi que mon voyage commence. Tandis que je suis mon circuit, je réalise que, de même que dans les photographies de la galerie, dans cette ville le temps s’est arrêté, en dépit du monde moderne dont elle est cernée.

Située au cœur du centre historique, dans un caravansérail appelé « Olimion », datant du xixe siècle, à quelques pas du complexe Khoja Gaukushon (du xvie siècle), site protégé de l’Unesco, la galerie est facile à trouver et d’accès aisé. Elle deviendra donc une halte systématique au cours de mes prochaines visites ; à chaque fois que je reviendrai dans cette ville magnifique, les expériences et les impressions que j’aurai glanées lors de mes déambulations dans ses rues, ses citadelles, et ses bazars enrichiront mes pensées.
Lors de ces visites, j’eus la chance de rencontrer deux grands photographes de Boukhara, Behzod Boltaev et Nuriddin Juraev.
Aujourd’hui, je voudrais vous entretenir de Behzod ; dans un prochain article, je vous en dirai davantage sur Nuriddin.
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